Il reste une cicatrice, dix ans plus tard.
Une tumeur déposée sur le cœur.
Un cancer d’amour ?
Cécile a dix ans lorsqu’elle se retrouve dans un cours de danse classique. Repérée pour ses aptitudes physiques, elle s’engage dans cette discipline à haut niveau, un travail intensif de modelage du corps, "des années de souffrance, d’abnégation" alourdies par les dépréciations maternelles.
- Je n’ai pas eu d’adolescence, dit-elle, mais ça m’a donné un cadre, ça m’a appris à aller au bout de moi, à me connaitre.
Alors quand les médecins lui prédisent qu’elle ne retrouvera jamais totalement l’usage de son bras, suite aux opérations, "c’est un chamboulement de son image corporelle, de sa représentation dans l’espace".
Une détresse.
- "Et puis à un moment donné, soit tu acceptes ce qu’ils te disent, soit tu vas chercher autre chose à l’intérieur de toi et tu arrêtes de te poser des questions. C’est comme si tu débranchais ton cerveau et qu’il y avait une croyance intérieure qui te disait : 'En fait non il n’y a pas de limite à ce que tu peux faire, à là où tu peux aller, à ce que tu peux accomplir'. C’est une croyance un peu douce, elle ne va pas à l’encontre de ce qu’ils me disent, c’est juste une espèce de certitude intérieure. Je savais qu’il n’était pas possible qu’il en soit autrement".
Sa rééducation, elle se fera par le mouvement, grâce à l'une de ses amies, enseignante à Marseille : "Elle m’a boostée, elle m’a remise à la barre, et puis elle m’a obligé à remonter sur scène. Ça m’a sauvé".
Elle raconte avoir été portée par une "petite flamme intérieure, une vibration, quelque chose qui se nourrit du mouvement, de cette recherche du geste parfait (…) et puis de la scène".
Après 2 années à un rythme intensif, son bras est complètement rétabli.
Réaliser ces photos, nue, c’est une forme d’affranchissement (vis-à-vis de sa mère), de reconnaissance et de réconciliation avec soi-même. C’est "arrêter d’accepter de rentrer dans les cases qu’elle m’impose. C’est me remettre dans la justesse. Accepter que ma mère ne m’aime pas, et par contre, moi j’ai le droit de m’aimer !"
Et puis, comme elle le dit, "ça suffit de se mettre toujours en retrait, de toujours nier, j’ai le droit aussi d’exister au travers de tout ce que ce travail a nécessité, a forgé et a façonné en moi".