"Je vais faire le tour du Mont Blanc !" Il y a de ces idées si bien accrochées qu’on ne peut s’en défaire qu’en les mettant à exécution. Après deux ans et demie de vie parisienne et un confinement au décor d’asphalte, j’ai rendu les clefs et je suis partie marcher. Je voulais une expérience à la hauteur du manque d’espace et de nature caractéristique de nos milieux urbains. Que ce soit fort et grand, que j’en oublie de penser tant mon corps se ferait présent.
En guise de préparation, j’ai additionné les heures et les kilomètres, calculé et recalculé chaque étape, ajusté l’itinéraire à la disponibilité des refuges et bien vite, j’ai senti l’appréhension rejoindre l’excitation. Suis-je vraiment capable de marcher 5 à 8 heures quotidiennement pendant 10 jours consécutifs, sans parler du relief ? Parviendrai-je au bout d’une journée entière de randonnée totalisant 1900 mètres de dénivelées positives pour parer au manque de gîte disponible ? Je m’étais entrainée, un peu, mais prépare-t-on sérieusement le corps à un tel exercice aux bords de la Seine ?
Chaque sommet, col et vallée offert au regard sous un ciel limpide appelle une photo. Les yeux grands ouverts, je guette les points de vue, un regard en arrière, une meilleure prise, et la déception de ne pas retranscrire la beauté des lieux avec suffisamment de justesse.
On s’extasie de ce paysage minéral découpé dans le ciel ; désert d’altitude où la biodiversité fleurit entre la roche. Glaciers surexposés, montagnes ombragés, rares sont les photos aussi époustouflantes que la proximité vécue auprès de ces monuments de pierre qui surplombent les sentiers et pâturages coiffés de leurs bonnets de neige.
La faune se fait discrète, peut-être à cause de la chaleur. Ici un pan de glacier s’effondre à grands fracas, suivi du passage en repérage d’un avion certainement alerté par les capteurs. Quelques hermines au pelage d’été s’élancent entre les pierres, des marmottes se promènent le ventre à terre entre les fleurs alpines et les buissons de myrtilles quand d’autres sifflent les rapaces. Les chemins sont exceptionnellement peu fréquentés en cette période si particulière. Et lors des nuits sans orage, je retrouve enfin les étoiles.
Je marche sur mes pensées et le mental se tait. Un pas, un autre pas. Une mécanique s’enclenche. A l’affût du temps présent, attentive à ma respiration et à la beauté des lieux, je trouve la paix.
Méditation marchée.